Hortense Merisier

Blog d'écriture quotidienne

#66 La bête


« Tu es sûre de vouloir y aller ? On dit qu’il y a… » Pierre-Henri avala sa salive, triturant son écharpe en soie et pointant son menton vers ses chaussures en cuir, bien plus adaptées à un cours de mathématiques qu’à la chasse au dahu.

Malgré ses réticences, je m’engageai hors du sentier. La Forêt des ombres. Interdite aux élèves, bien sûr, hantée, habitée par des monstres… Je voulais trouver le plus redouté de tous, celui dont personne n’ose prononcer le nom. Le sentier, balisé de lampadaires, protégeait habilement les promeneurs. Avec un soupir, il me suivit. Plutôt abîmer ses chaussures que de rester seul à un endroit où il n’avait pas le droit d’être.

Après quelques minutes, le silence étouffant laissa place à des grattements, des reniflements, des grincements et autres bruits de pas. Le fouillis des ronces devint plus épais, à peine éclairé par un croissant de lune, nous éraflant à chaque pas. Pierre-Henri marmonnait sans discontinuer, non à cause des égratignures ou de ses vêtements en lambeaux, mais parce qu’il aurait préféré rester avec les autres regarder la rediffusion du Grinch à la télé.

Lorsque nous arrivâmes en lisière d’une clairière, je balayais l’espace d’un regard, me fiant aux ombres pour me repérer. Finalement, je lui désignai dans un murmure un épais buisson qui nous permettrait d’observer le monstre quand il viendrait, s’il venait.

Nous n’eûmes pas le temps de le rejoindre. Un ronflement retentit juste derrière moi, suivi de près d’un claquement, de branches balayées d’un furieux coup de queue. Pierre-Henri ouvrit la bouche pour hurler, mais ne parvint qu’à produire un glapissement étouffé.

Je me retournai lentement, ignorant le regard suppliant de Pierre-Henri. La bête était là, à tout juste trente centimètres de mon visage, ses yeux brillant dans le noir, son pelage glaçant luisant à la lumière de la lune, sa tête surmontée d’une pique de deux mètres de long, sa queue rêche fouettant l’espace.

La licorne. J’avalai ma salive et tendis mes bras vers elle pour lui faire un câlin.

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