Lorsqu’il a pris ce boulot, son prédécesseur l’a prévu : « Tu verras, Jean-Marc, Père Noël est un vrai sacerdoce. » Et d’enchaîner sur un long monologue où tout le monde y est passé.
Les rennes, qui préfèrent rester au chaud dans leur étable que de sortir la nuit de Noël – nourris 365 jours et pas foutus de faire leur boulot une seule nuit ; les lutins, qui passeraient la majorité de leur temps à jouer, échanger des potins et boire du chocolat chaud, s’il n’y avait pas quelqu’un pour les faire travailler ; la Mère Noël, qui trouve toujours le moyen de râler pour des taches de chocolat chaud ou des traînées de neige dans l’entrée ; les enfants, jamais contents du jouet qu’ils ont eu – « mais je voulais le bleu… ouin ! » ; les parents, qui trouvent toujours les cadeaux trop chers : « ah ben ça, ils s’engraissent, au Pôle Nord, hein ! » ; etc.
Sur le moment, Jean-Marc a pensé qu’il exagérait. Les rennes avaient froid – il leur a commandé des pulls. Les lutins n’avaient pas de temps libre – il les a mis aux 35 heures. La Mère Noël en avait marre du ménage – il a engagé un homme de ménage. Les enfants n’étaient pas contents de leurs cadeaux – il a modernisé le service de commande. Les parents n’avaient pas les moyens – il a délocalisé certaines chaînes de production.
Mais au final, peut-être que Jules avait raison, songe-t-il en observant la délégation de lutins grévistes discuter de sa proposition. Peut-être que quand tu es chef d’entreprise, et encore plus le Père Noël, tu ne dois pas être gentil. Peut-être que tu dois faire prospérer des trucs potentiellement problématiques comme l’esclavage des elfes, la maltraitance des animaux, la misogynie et le capitalisme consumériste.
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