Je me demande quel poids fait Poulet-en-chef. Je voudrais bien doser ma tisane spéciale pour qu’il dorme d’un sommeil profond pendant les prochaines heures, sans être encore somnolent demain matin. Quand on fait ce que je fais, on apprend beaucoup de choses sur les plantes. Il y en a que je ramasse, d’autres que j’achète dans des magasins, certaines que je prépare moi-même – j’ai quelques plantes décoratives connues pour leur toxicité sur mon balcon. Et il m’arrive de préparer des mélanges inoffensifs pour dormir ou pour faire dormir.
Vous me direz sans doute que, si j’avais du travail pour mes activités annexes, je n’avais pas besoin de l’endormir, il me suffisait de lui dire que j’avais aqualicorne ou un concours de lancer de fougères, mais ce qu’il voit de moi, c’est une bibliothécaire insipide et douce, plus calée sur la littérature classique et contemporaine que sur les façons de tuer un homme quand on pèse 55 kg toute mouillée. C’est Poulet-en-chef, il est préférable qu’il croie s’être effondré d’épuisement plutôt qu’il se demande ce que j’ai fait de ma soirée.
Il m’enlace pendant que je regarde les flacons de mes préparations. De la valériane, de la passiflore et de l’aubépine, c’est sûr, peut-être une touche de chanvre, mais avec de la camomille pour cacher le goût, Poulet-en-chef a travaillé aux stups. Ou alors un concentré de houblon, le goût est suffisamment fort pour que j’augmente sans risque la dose de CBD, avec du miel pour en adoucir l’amertume.
Damien jette un regard intrigué à mes étiquettes. Ah oui. Ma paranoïa m’a toujours poussée à utiliser des flacons anonymes, simplement annotés de symboles. C’est stupide, bien sûr, ça attire l’attention alors que mes préparations réellement dangereuses ne sont pas rangées à côté du sel et du poivre, mais bien en sécurité dans le coffre-fort du placard de l’entrée.
« Qu’est-ce que tu me prépares ?
— Juste une tisane contre le stress. »
Face à mon regard interrogateur, elle pointe les flacons un par un :
« Valériane, passiflore, camomille, aubépine, houblon, une variété de tilleul que j’ai beaucoup de mal à me procurer, et du miel, le goût du houblon peut être amer. Ça te fera du bien. Je n’avais pas l’intention de t’empoisonner ! Rassuré, monsieur le policier ?
— Tu n’en prends pas ? »
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