Je sais ce que vous pensez. Vous pensez que, parce que j’ai fait suivre Camille, je suis un sale type. Vous pensez que je me comporte comme son père violent, que je suis jaloux, possessif, que je l’étouffe avec mon amour, qu’elle va me quitter et que je l’aurai bien mérité. Vous pensez qu’elle finira par découvrir que je suis ce gros con et que ce jour-là, adieu veau, vache, cochon, couvée, je retournerai dans mon taudis de 18 m².
Et c’est vrai que lorsque je me lève et qu’elle dort paisiblement à côté de moi, je me dis que je ne devrais pas être là. Je suis vraiment un putain de gros connard qui ne lui fais pas confiance, qui ne la crois pas capable de se débrouiller seule alors que, comme elle le dit souvent : « Tu crois que je faisais comment avant de te connaître ? ». A ce moment-là, je me dis que je suis vraiment ce putain de gros connard inutile, et qu’elle serait bien mieux sans moi.
Quand je vois ses cils délicats posés comme des papillons sur ses paupières, je me dis qu’un gros con comme moi, ça ne devrait pas être avec une femme aussi forte, brillante et douce qu’elle. Je me dis que le jour où elle découvrira que je ne suis pas celui qu’elle croit, elle me quittera, parce qu’elle n’est pas du genre à accepter la vie merdique que j’ai à lui offrir.
Tout ce dont je rêve, c’est d’une vie tranquille avec elle, d’un cocon familial où la protéger et où protéger nos enfants, vieillir avec elle, des vacances à la montagne ou à la mer, un resto en amoureux à l’occasion, des promenades dans les parcs environnants, continuer à traquer les méchants ou me trouver un petit poste peinard où le drame de l’année sera un accident de voiture sous l’emprise du cannabis.
Mais que se passe-t-il quand on gratte le vernis de cette vie parfaite ? On trouve des cadavres. Des liaisons avec la voisine ou le prof de yoga, des jeux d’argent, un compte en banque caché, une érection devant les statues grecques, des films porno, et à la fin un père qui empoisonne le chat des voisins parce qu’il pisse dans leur parterre de jonquilles, des tisanes à l’eau de Javel, 150 coups de couteau et une vieille qui pousse son vieux dans les escaliers de la cave.
Ce qu’il y a de terrible dans mon travail, c’est qu’au début, on pense qu’on aura affaire à des vrais méchants, et c’est vrai qu’il y a tous les trafics qui tournent mal, mais la plupart du temps, le coupable est juste un type ordinaire. Quand j’imagine Mika, je vois ce genre de gars. Le genre que je croise dans le métro, à qui Camille dit bonjour à la bibliothèque, celui qui a un travail, qui paie son loyer et ses impôts. Le genre de mec à qui on donne le bon dieu sans confession.
Ce sont les gens ordinaires qui commettent le plus de crimes. Des gens comme vous et moi.
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