Faire son deuil, c’est faire des petits pas. Accepter la mort de Rose, accepter de l’aide des médecins, rappeler une copine pour boire un café, aller au bord de la piscine que Matthieu a vidée, voir le médecin pour reprendre le travail à temps partiel, entrer dans la chambre de Rose, parler à nouveau de projets, sourire à une blague, féliciter la voisine qui est enceinte.
C’est faire tous ces pas avec un trou immense dans le cœur, en s’attendant à la voir partout alors qu’elle n’est nulle part. C’est voir son absence partout.
« Chérie, et si on déménageait ? propose Matthieu au petit déjeuner. On n’est pas obligés d’aller loin, mais ici… »
Il ne finit pas sa phrase. Avec dix ans de vie commune, je comprends : ici, avec tout ce merdier, avec Rose qui n’est plus là et toi qui n’es plus vraiment là. Repartons à zéro, essayons de continuer ailleurs, là où les souvenirs pèseront moins lourd.
Faire son deuil, c’est aussi faire face à la souffrance des autres. Rose était aimée. Je ne suis pas la seule à la pleurer.
« On met la maison en vente, ajoute-t-il en beurrant une tartine, et on achète un peu plus loin. T’en penses quoi ?
— D’accord. Pas de piscine ? je demande avec un sourire triste.
— Pas de piscine, répète-t-il avec le même sourire. Plus jamais de piscine.
— Plus jamais. »
C’est une promesse. Rose ne nous quittera plus jamais vraiment. Elle sera là pour toujours, dans un jardin plein de fleurs. Elle sera dans chaque brin d’herbe, dans chaque buisson, dans chaque rosier. Oui, moi qui n’ai pas la main verte, je planterai des roses, des blanches, des roses, des rouges, des jaunes, des petites, des grosses, des simples, des parfumées. Des roses partout, une piscine nulle part.
Faire son deuil, c’est faire des petits pas. Je beurre à mon tour une tartine, la plonge dans mon bol de café au lait.
« Je vais appeler une agence. »
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