La raison pour laquelle je n’utilise pas la ponctuation émotionnelle (points d’interrogation, d’exclamation ou de suspension) est qu’à mes yeux, la ponctuation ne devrait pas être nécessaire pour faire passer l’émotion.
Je suis certaine que des gens bien plus intelligents que moi ont fait des analyses bien plus intelligentes que la mienne, mais d’expérience, je classe la ponctuation en 3 catégories : la ponctuation émotionnelle, la ponctuation (quasi-)neutre et la ponctuation d’incise.
En préambule, notez quand même qu’aucune ponctuation n’a de rôle unique et qu’il y a une plus grande tolérance dans 3 genres : la littérature jeunesse, la poésie et le théâtre. De nombreux exemples sont présents au sein de cet article : à vous de les trouver !
La ponctuation émotionnelle
La ponctuation émotionnelle est celle qui est utilisée pour traduire une émotion. Ça concernera donc les points d’interrogation, pour le doute, l’inquiétude, l’incompréhension ; les points d’exclamation, pour la colère, la passion et les autres émotions intenses ; les points de suspension pour le trouble (il est aussi utilisé à la place de etc. mais ce n’est pas ce dont je parle).
En général, ce sont des ponctuations que je n’utilise pas, ou avec beaucoup de parcimonie, parce que je préfère que mon texte exprime, par lui-même, ce qu’il est censé exprimer. Si vous lisez des romans, vous constaterez rapidement que ces ponctuations ne sont presque jamais utilisées.
Il n’y a pas de règle de proportion, mais en ce qui me concerne, je dois avoir une moyenne d’un signe émotionnel tous les 300 mots. Probablement même moins que ça. Si l’un d’entre vous se sent le courage de compter, il peut me donner ses résultats en commentaire (ou par mail, pour les plus timides d’entre vous).
La raison est simple : je trouve que l’usage abusif de ces signes fait amateur parce qu’il masque très mal que le texte lui-même est fade. Lorsqu’un texte se suffit à lui-même, il n’a besoin que des respirations des signes neutres, avec éventuellement quelques connecteurs logiques ou incises.
Seuls quelques points d’exclamation et de suspension persisteront, mais pas en qualité de signes émotionnels : en guise de ponctuation à la fin d’une question « Où est-ce que tu as rangé mes chaussettes ? » ou à la fin d’une liste, à la place de « etc. ».
La ponctuation neutre
La ponctuation neutre… n’est pas complètement neutre. Rien n’est jamais neutre dans un texte. Mais il y a des signes, comme la virgule ou le point, qui sont globalement plus neutres que les autres. Leur rôle principal est de séparer : le point sépare des phrases, la virgule sépare des morceaux de phrases.
Là où l’amateurisme pointe son nez, c’est lorsque l’écrivain ne parvient pas à définir ce qui est une phrase, de ce qui est un morceau de phrase. Parfois, une virgule est placée à la fin d’une phrase ; d’autres, un point est placé au milieu d’une phrase.
Une phrase, c’est ce qu’oralement on va dire sans faire de pause (point, on s’arrête, on regarde son auditoire, on inspire pour continuer). Un morceau de phrase, c’est ce qu’on va dire d’une-traite-sans-s’arrêter (demi-pause, exprimant oralement la fin d’un morceau de phrase – demi-pause – le début d’un autre). Entre deux morceaux de phrases, on met généralement une virgule ; entre deux phrases, on met un point.
Niveau suivant : il y a aussi des signes neutres comme les deux-points et les points-virgules. La règle est simple : si vous ne savez pas comment les utiliser ou que, dans certains cas, vous ne savez pas lequel utiliser, vous pouvez vous en passer. Reformulez simplement votre phrase pour qu’elle ne soit composée que de morceaux de phrases, séparés par des virgules, le tout conclu par un point.
La ponctuation d’incise
Il existe trois incises : la virgule, le tiret demi-cadratin et les parenthèses. Moi qui ai l’esprit qui part dans tous les sens, je l’utilise beaucoup. C’est aussi une façon de faire de l’humour ou de mettre, mine de rien, en valeur certains points.
La virgule est la plus utilisée. C’est l’incise naturelle des dialogues : « Mais enfin, protesta la vieille dame avec un coup sec de sac à main, j’étais là avant vous ! ». C’est aussi une incise qui passe inaperçue dans la narration, puisque la virgule sépare naturellement des morceaux de phrase.
Le tiret de l’incise est toujours le demi-cadratin. Il a l’avantage de se distinguer de la virgule, et donc de mettre en valeur ce qu’il y a entre les deux tirets. Il peut cependant être un peu lourd dans une phrase assez longue. Vous l’aurez remarqué : je l’utilise souvent.
Les parenthèses sont normalement utilisées pour ce qui a moins de valeur que le texte lui-même. C’est donc tout naturellement que je l’utilise pour mes piques d’humour ou d’ironie, comme dans #213 : « A la sortie de Chat-GPT, ses concurrents (lésés) demandent […] qu’on arrête la course au développement de l’intelligence artificielle ». La parenthèse à elle seule change le sens de la phrase…
En bref
La ponctuation n’est pas à prendre à la légère. C’est même un des aspects les plus fascinants du texte. C’est le silence entre les mots, le silence pesant ou amusé, le silence douloureux ou estomaqué. C’est aussi le seul que Gépété ne comprend pas – quand je vous disais que ça allait devenir une blague filée…
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