La vérité, c’est que je ne suis pas franchement opposé à l’horodeathage. Je comprends que ça facilite pas mal de choses, même à 30 ans. Est-ce que ça vaut le coup de m’investir dans ce travail, ou est-ce que je n’ai que quelques années devant moi qu’il vaut mieux utiliser à profiter de ceux qui comptent ? Est-ce que c’est bien opportun d’avoir des enfants, ou les laisserai-je orphelins avant même qu’ils aient vécu leur premier chagrin d’amour ? Est-ce que je survivrai à cette guerre où je me suis engagé ?

Et puis à 50 ans : est-ce que je vivrai assez longtemps pour voir mes enfants se marier ? Est-ce que je continue de travailler jusqu’à la retraite, ou est-ce que je démissionne pour vivre mes dernières années ? Est-ce que je programme vraiment ce tour du monde avec mes copines, ou est-ce que je ne serai plus là pour le faire ?

Et puis à 80 ans : faire la paix avec mes enfants et mes petits-enfants, tant qu’il est temps ; penser à ma convention obsèques, à la place au cimetière, à être en accord avec Dieu ; m’assurer que les frais de succession ne pèseront pas dans le budget de ceux qui restent ; organiser une fête d’adieu, morbide peut-être mais l’occasion d’être tous ensemble…

Je sais que je mourrai un jour et qu’une simple fiole de sang pourrait dire quand. Je conçois qu’on veuille savoir, pour dire au revoir, pour se préparer, mais tout ce que ça m’inspire, c’est un cynisme amer : me préparer à quoi ? à ne plus être là ?

Je veux vivre comme un immortel : comme si je pouvais vivre toujours et mourir à tout moment.