• #161 La boîte

    Une boîte de pierre. C’est ce que j’ai sous les yeux : une boîte au milieu d’autres boîtes, avec des petites allées de terre, des fleurs en plastique, des gens qui marchent doucement et qui parlent à voix basse. Une boîte avec le nom de ma fille, si violemment écrit en lettres dorées que je baisse la tête, écrasée.

    C’est la première fois que je reviens ici. Je n’ai que des souvenirs vagues de ces derniers mois. Des hallucinations, des rêves, des médicaments, Matthieu qui m’a regardée m’enfoncer, encore et encore, impuissant. Je n’ai pas à penser à ça, c’est ce que dit la psy qui me suit. Il faut que je pense à moi, pas aux autres, à aller mieux, pas à tout ce mal que je lui ai fait.

    Et donc, revenir là où est Rose, dans cette boîte. Lui parler, alors que je ne crois pas qu’elle soit au Paradis – et pourquoi pas ? Accepter la vérité, surtout : elle ne reviendra pas. A cette idée, un gouffre s’ouvre sous mes pieds, je vacille. La gorge nouée, les yeux brûlants… L’affronter, oui, l’accepter… impossible.

    Et pourtant, murmure une voix d’enfant, et pourtant tu n’as pas le choix.

  • #160 Deuil

    Faire du tri dans mes souvenirs. Garder les beaux ; jeter les mauvais. Garder le silence ; ranger quelques menus objets. Faire des cauchemars ; faire de jolis rêves. Laisser couler quelques larmes ; les essuyer et sourire. Y penser tout le temps ; avoir des préoccupations terre-à-terre. Attendre.

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  • #159 Je veux pas savoir

    « Je veux pas savoir, grogne mon père après avoir levé les yeux vers la fenêtre de la cuisine, pour s’assurer que ma mère ne nous entendra pas. Je veux pas savoir dans quoi ta nouvelle patronne t’a encore embarqué. C’est la Crim, je suis pas con, je sais que tu vas pas t’occuper d’un vol de ramettes de papier. Débrouille-toi juste pour pas être blessé. C’est tout ce que je te demande. Et bordel, trouve-toi une copine, une gentille fille, comptable, instit, n’importe, même une qui bosse pas, juste qu’elle soit gentille. Ça calmera ta mère de savoir qu’il y a quelqu’un qui se préoccupe de toi là-haut. »


    La suite ici, le début . Est-ce que je suis en train de réécrire les 5 chapitres que je prépare depuis 3 semaines après avoir constaté que les autres auteurs font des chapitres d’environ 1000-1500 mots, et pas 500 comme j’avais prévu ?

    Non, vous non plus, vous voulez pas savoir. Vous ne voulez pas savoir que je réécris 5 fois les mêmes choses, parce que c’est trop long, trop court, trop fade, pas assez descriptif, trop de dialogues, le temps a changé (pourquoi ?) en cours de route… Vous voulez pas savoir. Vous ne voulez pas savoir que je me fatigue – vraiment – à force d’être perfectionniste, à tout retravailler, encore, et encore, et encore, et…

    Vous voulez pas savoir, mais ouep, je suis en train de tout réécrire. Alors que je trouve mon synopsis tarte (poulet-champignons).

  • #158 Bureau

    Une trousse : post-its, lime à ongles, feutres fin, stylos-plume bleu et noir, washi tape rose, double décimètre en plastique, critérium, gomme, ciseaux, trombones, cartouches bleues, feutre noir, effaceur, stylo gel blanc. Un carnet noir, 400 pages, papier trop fin pour y écrire des deux côtés : dois-je le jeter ? Un verre vide. Des feuilles, brouillons, anciens morceaux de textes, dessins divers. Une ardoise blanche, feutre noir assorti. Un paquet de mouchoirs presque vide. Des post-its de toutes les couleurs. L’ordinateur, évidemment, un écran, une souris, deux enceintes usées et poussiéreuses. Deux tapis de découpe faisant office de sous-main. La carte de visite de la police municipale. Un bout de papier calque bleu. Une théière vide, une boîte de washi, une boîte de classement vide, une tasse vide à rayures bleues et blanches horizontales, la carte de visite d’une naturopathe. Une agrafeuse, un blanco en souris, un bullet journal rose pâle ouvert aux tâches de la semaine. D’autres post-its. Une pochette de dossiers professionnels. Quelques trombones, une lingette microfibre pour l’ardoise blanche. Une pochette noire et rose où je classe mes notes sur « Mika ». Un élastique épais, une règle de 30 centimètres en métal. Une bouteille d’eau presque vide.

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  • #157 Une histoire tarte

    Aujourd’hui, ma devise sera : ce n’est pas parce qu’on écrit des histoires tarte qu’il faut les écrire tartement.

    Pour ceusses d’entre vous qui l’auraient oublié, ou qui ne viennent que ponctuellement, ou qui ont d’autres choses à penser que mes histoires de tartes aux champignons hallucinogènes, je fais un bref rappel (bref, mais utile, c’est certain). Depuis hier, j’ai mis en ligne sur Wattpad les 5 premiers chapitres d’une version remaniée de « Mika » et aujourd’hui très bientôt je mets le 6e (ensuite, ce sera un tous les vendredis).

    Cliquez ici !

    Quoi, je fais ma pub de manière éhontée ? Ouais, ben, c’est moi qui écris. Je fais ce que je veux, d’abord. Sans compter que si vous cherchez à retrouver le précédent article où je l’annonçais, vous y serez encore la semaine prochaine. Non que vos visites me laissent indifférente, hein, à chaque fois que je regarde, je me dis « mais ils viennent d’où, tous ces gens ? ».

    C’est vrai, ça. Vous venez d’où, tous ?

    Bref. Quand je dis que j’ai remanié l’histoire, c’est vraiment que je l’ai remaniée. Développée, pour être précise. C’est une histoire tarte, une romance impossible, avec des secrets bien clichés et des personnages encore plus clichés. Quoi ? Je peux bien le dire, que c’est tarte et cliché, c’est mon histoire et ce n’est pas dénigrant. Mon histoire est tarte, c’est un fait.

    Mais comme je l’écrivais dès le début, ce n’est pas parce qu’une histoire est tarte qu’il faut l’écrire tartement. J’écris avec sériosité des histoires tartes et avec tartosité des histoires sérieuses : ça aussi, ça pourrait être ma devise.

    Sur ce, bonne lecture !

  • #156 Œdipe : la prophétie auto-réalisatrice

    De tous les mythes que je connais, le mythe d’Œdipe est certainement un des plus fascinants. S’il est connu sous l’aspect incestueux (le mec qui finit par se marier avec sa mère), je préfère la prophétie.

    Rappel de l’histoire

    Œdipe est le fils de Laïos (ci-après Dédé) et Jocaste (ci-après Jeanine), roi et reine de Thèbes. Avant sa naissance, Dédé et Jeanine sont allés voir la voyante du coin (la Pythie de Delphes) qui leur a dit : « Si c’est un garçon, il tuera son père et épousera sa mère ». Alors, quand le petit Œdipe naît, Jeanine et Dédé décident de l’abandonner. Ouais, c’était comme ça chez les Grecs : on pouvait abandonner un bébé, c’était dans les mœurs.

    Œdipe est sauvé par un berger et adopté par Polybe et Mérope, roi et reine de Corinthe. Quand il devient grand, Œdipe part à son tour voir la voyante du coin (encore elle) qui lui dit : « Tu vas tuer ton père et épouser ta mère ». Comme Œdipe est un gentil garçon qui ne veut pas tuer Papa ni épouser Maman, il décide de fuguer pour empêcher la prophétie de se réaliser.

    Sur la route, il s’embrouille avec un vieux qui lui refuse la priorité. Œdipe est un jeune Grec fougueux : c’est donc tout naturellement qu’il bute le vieux con qui ne sait pas conduire. Pas de bol pour lui, c’était Dédé. Il arrive à Thèbes, délivre la ville de la mafia (une sphinge) qui s’y est installée, et se voit couronné roi en guise de remerciement. Pour faire bonne mesure, il épouse la reine du coin. Pas de bol pour lui, c’est Jeanine.

    Une prophétie auto-réalisatrice

    Là où l’histoire devient intéressante, c’est lorsqu’on reprend les étapes de l’histoire, une par une, avec leur causalité et tout le toutim, et qu’on les met bout à bout.

    S’il n’y avait pas eu de prophétie au départ, Œdipe n’aurait jamais tué son père et épousé sa mère. La prophétie n’existe et ne se réalise que parce qu’elle parvient aux oreilles des trois personnes concernées : Œdipe et ses parents.

    Si Dédé et Jeanine n’avaient pas eu connaissance de la prophétie, Œdipe n’aurait jamais été abandonné. Même si Œdipe avait eu connaissance de la prophétie à l’âge adulte, elle n’aurait pas pu se réaliser puisqu’il se serait enfui et lui aurait alors échappé.

    Si Œdipe, de son côté, n’avait pas eu connaissance de la prophétie, il n’aurait jamais fui ses parents adoptifs et aurait sans doute vécu une vie paisible de héros à Corinthe. Aussi longtemps qu’il n’avait pas connaissance de la prophétie, il pouvait encore lui échapper.

    Au final, si un seul des trois crétins n’avait pas interrogé la Pythie ou, après l’avoir interrogée, l’avait simplement envoyée chier en la qualifiant d’arnaqueuse de bas étage, la prophétie n’aurait pas été scellée.

    C’est en ce sens que la prophétie est auto-réalisatrice. Elle ne peut se réaliser que si elle est prononcée devant toutes les personnes concernées, et que ces personnes veulent lui échapper.

    Ce qu’en a fait Sigmund

    Et là-dessus, Freud part du principe que tous les petits garçons veulent tuer leur père et coucher avec leur mère. On voit tout de suite le niveau : juste en dessous de la ceinture – d’après un prix Nobel de physique, c’est là que se situait le cerveau de Sigmund.

    Alors oui, d’accord, je veux bien, l’inceste est horrible et de ce fait, c’est vrai que c’est la partie de l’histoire dont on se souvient. « Comment il s’appelle déjà le type qui a tué son père et couché avec sa mère ? », c’est plus facile à comprendre que « Comment il s’appelle déjà, le mec qui a voulu échapper à une prophétie et se l’est prise dans la gueule ? ».

    Mais maintenant que nous avons décortiqué le mythe à la hache, en le réécrivant joyeusement au goût du jour parce que c’est ce que je fais de mieux et que, ma foi, c’est moi qui écris donc c’est moi qui décide, vous vous souviendrez peut-être que le pouvoir d’une prophétie ne réside pas en elle-même, mais en la croyance qu’on a d’elle.

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  • #155 … des droits des…

    Je tiens à le préciser, pour ceusses d’entre vous qui l’auraient oublié : aujourd’hui, c’est la Journée internationale des droits des femmes.

    Aller à l’école, travailler, se marier ou ne pas se marier, avoir le même salaire quel que soit le genre, faire des études, avoir ou ne pas avoir d’enfants, avoir accès à la contraception et à l’avortement, être préservée dans son intégrité physique et mentale, choisir son conjoint, être respectée, ne pas être violée, excisée, battue, harcelée, revenge pornée, touchée, embrassée, partager la charge mentale des tâches ménagères et éducatives, ne pas être la seule perdante en cas de divorce, avoir autant de députées que de députés, etc.

    Avoir des masques chirurgicaux qui sont prévus pour la morphologie féminine, avoir des vraies poches dans les pantalons et les vestes, ne plus se raser / épiler / poncer / maquiller / coiffer / teindre, faire de la danse ou du foot ou du judo, de la gym ou du yoga ou de la boxe, rémunérer autant les sportives que les sportifs, parler de choses sérieuses, faire des études sur le corps des femmes, épouser un homme plus jeune sans subir de moqueries, défoncer le plafond de verre en béton armé, mettre des dessins du clitoris dans les manuels scolaires, être sous-marinière, pompière, présidente, maçonne, bûcheronne, charpentière ou fermière, etc.

    Ben moi, j’ai une voisine qui est pompière. Je ne connais pas de maçonne, de charpentière, de bûcheronne ni de fermière, mais depuis 2017 il y a des sous-marinières en France ; et pour la présidente, on attend encore. Pourtant, statistiquement, un homme sur deux est une femme.

    Journée internationale, donc, des droits des femmes.

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