Hortense Merisier

Ecriture quotidienne, textes et courtes nouvelles

#626 La meilleure des motivations : l’ennui


Clavier d'ordinateur

Je voulais vous voir, Hortense, par rapport à votre demande de mutation. (Celle que j’ai pas eue ?) J’avoue que j’aurais été déçu si vous étiez partie. Vous êtes un élément essentiel de votre équipe… (Des gens essentiels, et même des plus essentiels que moi, il y en a plein les cimetières.) Vous êtes quelqu’un d’intelligent, de sympathique, de bien intégré dans l’équipe, de loyal avec votre hiérarchie, quelqu’un que j’apprécie. (C’est pas réciproque.)

Je voulais juste vous dire… (Ok, on est partis pour la tirade de 30 minutes, souris et tais-toi.) Moi, j’ai ma feuille de route, et j’ai toujours dit que je n’avais pas besoin que les agents m’apprécient. (Ça tombe bien, dis donc.) Mais je n’ai aucun intérêt à empêcher les gens de partir s’ils veulent partir. (Oui, et puis ne surestimons pas mon importance : l’avantage de n’être personne, c’est aussi que je ne menace personne et que personne n’a d’intérêt à me mettre des bâtons dans les roues.)

Et puis, lorsqu’on attaque un nouveau poste, il faut un peu de temps pour prendre ses marques. Ça peut être difficile de tout apprendre. (Devine quoi : c’est justement pour ça que je voulais partir.) Là, vous avez l’avantage de bien connaître votre travail. (Je me demande si je pourrais finir mon brouillon avant la fin de l’été. Un peu trop ambitieux, peut-être.) Et puis si vous vous ennuyez, n’hésitez pas à venir me voir, on vous trouvera quelque chose à faire. (T’inquiète, je trouverai.)

Sinon, puisque vous avez du temps, qu’est-ce que vous diriez de passer des concours ? Est-ce qu’il y a une raison particulière qui vous retient ? (Je ne sais pas, mon envie de vivre de ma plume ?) Si vous voulez, je pourrais aussi vous aider à faire un bilan de compétences, à voir comment vous pourriez être utile à notre grande maison. (Je me demande comment il prendrait la chose si je lui disais que je veux passer à temps partiel.) Réfléchissez-y et dites-moi, d’accord ? (Mais oui bien sûr, attends que je réfléchisse… Bah non, en fait. Non.)


Bon, peut-être que je suis un peu injuste avec mon boss (et pas qu’un peu, d’ailleurs). Ça se voit qu’il voulait m’aider, me réconforter, et il veut vraiment que je progresse dans ma carrière – ce n’était pas la première fois qu’il me parlait des concours. Le vrai problème, c’est que j’ai pas confiance en lui. Je pourrais vous donner les mille et une raisons qui me poussent à me méfier de lui, mais ça ne changera rien au fait que je ne lui fais pas confiance.

Contrairement à d’autres de mes boss, à qui je n’ai pas caché que mon ambition ultime était de quitter le confort réconfortant de la garantie de l’emploi, lui n’est pas au courant. Il part donc tout naturellement du principe que, comme lui, mon travail est toute ma vie (mais non) et que je souhaite plus que tout progresser vers les stratosphères du pouvoir et de l’argent (toujours pas). Ou que si je ne veux pas en entendre parler, c’est parce que je n’ai pas encore compris à quel point c’était cool de gravir les échelons de la fonction publique.

Toujours est-il que j’ai, à présent, une véritable motivation à écrire : l’ennui. Oui, pour moi, l’ennui est un moteur. La dernière fois que je me suis ennuyé⋅e dans mon travail, j’ai réussi en une fois un concours dont le taux de réussite est de 3 %. Sans vouloir préjuger mes capacités d’écrivain⋅e, je dirais que j’ai mes chances.

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3 réponses à « #626 La meilleure des motivations : l’ennui »

  1. Avatar de kimetmoiblog

    Ça ressemble un peu au spleen. Bon amusement à vous.

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  2. Avatar de Aïkà De Lire Délire

    Avoir le temps de s’ennuyer est un privilège qui n’a jamais, me semble-t-il, été apprécié à sa juste valeur.

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    1. Avatar de Hortense

      C’est de l’ennui que naît l’imagination.

      Aimé par 1 personne

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