Hortense Merisier

Ecriture quotidienne, textes et courtes nouvelles

#564 L’apprentie sorcière (3)


Ruisseau dans une forêt

Jeanne avait entrepris de lire tous les titres et tous les auteurs de la bibliothèque de la sorcière. Elle avait commencé le matin et déplaçait une chaise pour accéder aux étagères les plus hautes. A chaque fois, elle demandait un résumé de l’histoire. La sorcière s’amusait beaucoup à résumer des manuels de médecine. Jeanne était en train de lire un titre d’obstétrique lorsqu’elle s’interrompit, manifestement intriguée.

« Dis, Grand-mère, pourquoi ces gens ont écrit tous ces livres ?

— Il y a longtemps, bien avant l’Effondrement, c’était important d’avoir des connaissances, de savoir lire, de savoir plein de choses en fait. Et puis il y a eu l’Effondrement… Apprendre, c’est devenu secondaire.

— Le père Matthieu, il dit que l’Effondrement, c’est parce que le bon Dieu, il était pas content de comment les hommes se comportaient, alors il a envoyé les cavaliers de l’Apocalispe pour les punir, mais il a laissé certaines personnes en vie pour dire la vérité du bon Dieu.

— C’est à peu près ça, mais pas tout à fait. Tu vois la forêt, comme elle est belle aujourd’hui ? Eh bien, il y a quelques siècles, les hommes et les femmes du passé faisaient n’importe quoi. Ils mettaient du poison dans le sol, dans l’air, dans l’eau, et même dans la pluie, alors ils ont fini par faire mourir tout ce qu’ils avaient autour d’eux. Et ils sont morts de faim.

— Pourquoi ?

— Tu vois, ton père est malheureux parce qu’il n’a pas eu une vie facile, alors il te tapait dessus. Il tapait sûrement sur ta mère, aussi. Quand les gens sont malheureux, ça leur fait un grand trou dans le cœur, et ils ont besoin de remplir ce trou. Alors ils y mettent des choses et ils ont l’impression que ça leur remplit le cœur, mais ça ne dure jamais. Il faut recommencer, et il faut toujours plus de choses. Et à l’époque, pour avoir ces choses, il fallait mettre du poison dans le sol, dans l’air et dans l’eau.

— Papa, il dit qu’il a besoin de vin après une dure journée. Après il est malade, mais dès qu’il est triste ou en colère, il recommence à boire du vin. C’est pareil ?

— Oui. Le vin empoisonne ton papa, mais ça remplit le trou qu’il a dans le cœur, alors il boit.

— Mais toi, tu peux soigner le trou dans le cœur des gens, hein ? Tu peux soigner mon papa ?

— Non. Je peux soigner certains trous, mais pas celui de ton papa.

— Pourquoi ? insista Jeanne.

— Pour beaucoup de raisons, mais crois-moi, si je pouvais l’aider, je l’aurais déjà fait. La principale raison, c’est que je n’ai pas les médicaments pour la maladie de ton papa. Ensuite, il y a son trou dans le cœur, et je n’ai rien pour le reboucher.

— On pourrait lui amener à manger ? et lui apprendre à lire ? lui lire des belles histoires ? Moi, quand je suis triste, ça me rend moins triste.

— Jeanne, il y a quelque chose que tu dois savoir. Même les sorcières ne peuvent pas sauver tout le monde. Parfois, on t’amènera des gens tellement blessés ou malades depuis tellement longtemps, que tu ne pourras rien faire pour eux.

— Moi, je veux apprendre et aider tout le monde.

— C’est très courageux et gentil de ta part, et j’espère que tu pourras aider autant de gens que tu voudras. Mais avant, tu dois lire et apprendre tout ce qu’il y a dans tous ces livres. Tu t’en souviens ? »

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