Hortense Merisier

Ecriture quotidienne, textes et courtes nouvelles

#573 La huitième merveille du monde


Chemin de forêt

« D’où tu connais ce type ?

— Marcus ? Je te l’ai dit : il est client de l’hôtel.

— Et tu l’appelles Marcus alors que tu l’as rencontré il y a deux heures ? Tu as mis des semaines à m’appeler Théo ! Des semaines, Emma !

— Enfin, c’est ridicule. Tu sais très bien pourquoi je ne voulais pas qu’on se rapproche : tu es mon patron. Et ça n’a aucun rapport : je te vois tous les jours alors que lui, je ne le croiserai pas plus de quelques jours.

— Tu m’as quand même caché qu’il t’avait invitée à dîner.

— Parce que j’ai refusé. Attends, tu es jaloux ?

— Pas du tout, c’est juste que je ne l’aime pas. Il y a quelque chose de faux chez ce type… Il est toujours dans la séduction avec toi, à t’inonder de ses phrases toutes faites, ta compagnie enchanteresse, qu’il a trouvé l’amour… Vous vous connaissez à peine !

— Tu n’as aucun droit sur mes fréquentations, Théo. Aucun. C’est lui qui a raison : je fais ce que je veux de mon temps libre. Je vois qui je veux, quand je veux, pour faire ce que je veux, du moment que ça n’empiète pas sur mon travail. »

Il pâlit. Je m’en voulais de lui faire de la peine, mais il fallait arrêter ce qui se passait entre nous tout de suite. Ça ne pouvait pas continuer, ça n’était pas sain et ça n’était pas ce que je voulais. Je voulais une vie calme et paisible, faite de rires et de sérénité, et ça n’incluait pas les crises de jalousie de Théo. Cette facette de sa personnalité ne me plaisait pas du tout.

« Je m’inquiète pour toi, c’est tout. Je ne veux pas qu’il profite de toi, tu comprends ?

— Tu veux dire, parce que je suis une petite chose fragile ? ou parce que tu crois être le seul à avoir le droit de profiter de moi ?

— Mais pas du tout ! Tu sais très bien que j’ai beaucoup d’estime pour toi ! C’est juste que… »

Il me regarda avec désespoir.

« Tu as raison, reprit-il d’une voix amère. Tu fais ce que tu veux de ton temps libre. J’espérais seulement que tu le passerais avec moi, et pas avec ce type. Il est louche, Emma ! Tu viens juste de le rencontrer, pourquoi est-ce que tu dînerais avec lui ?

— C’est gonflé, venant de quelqu’un qui m’a imposé de dîner avec lui alors qu’on avait juste discuté 3 minutes ! Au moins, Marcus m’a seulement invitée. Avec lui, j’ai le choix.

— C’était un dîner de travail ! Et ça n’a vraiment aucun rapport. J’avais besoin de tes compétences pour sauver Dish…

— Et lui m’invite parce que je lui plais. Peut-être qu’on ne se connait pas, mais au moins, il m’invite pour moi, pas pour son entreprise ! »

J’étais outrée. Théo avait toujours fait passer Dish avant tout le reste. C’était son bébé, c’était normal, et je faisais du mieux que je pouvais pour l’aider. Mais moi aussi, j’étais importante. Moi aussi, je voulais passer en priorité pour quelqu’un. C’était la première fois que quelqu’un me regardait comme Marcus m’avait regardée. Comme si j’étais la huitième merveille du monde.

Je tournai les talons et partis sans attendre Théo.

« Emma… »

Je ne me retournai pas et attendis d’être hors de vue pour essuyer les larmes qui coulaient sur mon visage.

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