Hortense Merisier

Ecriture quotidienne, textes et courtes nouvelles

#594 La partie de cartes


Cartes à jouer

En quittant Emma, je vis Killian et Mariama s’éloigner de l’hôtel en direction de la forêt. Je les suivis en faisant le moins de bruit possible. Quand je finis par les rattraper, ils discutaient sans se cacher, tout en commençant une partie de cartes :

« Quand même, je me dis que c’est mal de faire ça, disait Mariama. Au moindre problème…

— On les bouscule un peu, c’est tout ! D’ailleurs, tout se passe exactement comme on l’avait prévu, et il n’y a aucune raison que ça change.

— On pourrait perdre notre travail !

— Mais non. Mme Stone comprendra, et on sait tous les deux que M. Dishwokee ne peut rien lui refuser. »

Ils parlaient d’Emma et moi ? Je tendis l’oreille. Ça devenait intéressant et, effectivement, il y aurait des licenciements dans l’air… si Emma ne s’y opposait pas. C’était inquiétant que la dynamique de notre duo soit si évidente : tout le monde savait donc qu’il suffisait d’atteindre Emma pour me toucher moi.

Elle ne savait rien du monde de requins dans lequel je l’avais lancée. Je l’en avais protégée autant que je pouvais et sa fermeté naturelle avait fait le reste, mais elle était étonnamment naïve sur la capacité des autres à êtres sournois. Parce qu’elle-même était franche et intègre, elle n’envisageait pas la manipulation chez les autres.

J’allais devoir enquêter un peu plus sérieusement sur ce Marcus Miergues, et peut-être même interroger Cassandre, mon programme d’intelligence artificielle prédictive. Mais Emma serait furieuse si elle l’apprenait, et elle finissait toujours par savoir ce que j’espérais lui cacher. Je repensai à sa colère quand je l’avais surveillée, et à ma promesse de ne jamais recommencer. Interroger Cassandre, ce serait pire.

« Pique ! annonça Killian.

— Cœur ! (Rires.) Tu as raison, et puis ça me fait mal de la voir comme ça tous les jours. Tous les jours, t’imagines même pas.

— Je les vois aussi, je te rappelle. Pique ?

— Cœur.

— Tu ne sais toujours pas pourquoi Mme Stone le repousse ? Pique, encore.

— Arrête avec tes piques, tu peux pas gagner. J’en ai toute une tripotée. Carreaux. Elle refuse d’en parler, pour elle c’est un non-sujet : ils travaillent ensemble, point.

— Bien sûr. C’est pour ça que sa géoloc considère que l’endroit préféré de M. Dishwokee est l’appartement de Mme Stone : parce qu’ils travaillent ensemble. Pique ? C’est pas possible, tu triches…

— Je t’ai dit que j’en avais 15 dans les mains. Pique, ajouta Mariama en riant.

— Carreaux. Donc tu avoues que tu triches.

— Mais non, c’est juste que j’en ai tiré deux de suite. Cœur. Je la comprends pas. M. Dishwokee est bel homme, il est intelligent, il est riche, et il est tellement gentil avec elle… Moi, j’aimerais bien me trouver une femme comme lui. »

Les compliments me firent rougir. Je commençais à comprendre où ils voulaient en venir, et leur idée me plaisait. J’espérais moi aussi que ce team building nous rapproche, mais pour le moment, tout se passait de travers et tout était de la faute de ce Marcus – un peu de la mienne, aussi.

« Peut-être que ça la gêne, justement, qu’il soit aussi parfait ? Pique.

— Tu vas me lâcher avec tes piques ? Cœur. C’est vrai qu’il est intimidant, mais il se conduit comme un chaton avec elle. Et puis, ça devrait pas entrer en compte s’ils sont amoureux l’un de l’autre.

— De toute façon, c’est lancé et on ne peut plus faire machine arrière sans que ça semble suspect. Il n’y a plus qu’à attendre le résultat. Pique. Tu déconnes ! Tu vas me faire croire que tu tires des piques depuis tout à l’heure ? Remonte tes manches, je sais que tu triches… Attends, c’était quoi, ça ? »

Ça, c’était mon téléphone qui émettait une alerte suite à un message d’Emma. Même lorsque je désactivais le son, les messages d’Emma m’étaient notifiés. En entendant Killian s’approcher, je décidai de battre en retraite sans attendre la fin de leur conversation. Une fois hors de vue, je m’arrêtai pour lire le message d’Emma.

« Je ne me sens pas très bien, je vais rester dans ma chambre ce soir. Ne me dérange pas. A demain. »

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