Je sentis mon cœur se serrer. Emma était incroyablement belle dans cette robe gris perle, et elle dansait avec ce type. Moi aussi, j’aurais pu lui offrir un moment de romantisme sucré, avec des fleurs, des bougies et du Beethoven, mais c’est lui qu’elle avait choisi. Avec moi, elle disait toujours non.

Je reposai les jumelles que je tenais à la main. Je les avais échangées avec Killian contre 10 jetons. Quelque part, j’étais heureux pour elle, heureux qu’elle ait trouvé quelqu’un qui la rendrait heureuse… Enfin, je l’aurais été, si Marcus Miergues existait : je n’avais trouvé aucune information sur lui. Cet homme était manifestement un imposteur, mais Emma refusait de l’entendre.

Je les regardai danser encore quelques instants, espérant découvrir quelque chose. L’objectif de cet homme ne pouvait pas être d’atteindre Emma : même si elle menait une vie confortable, elle n’avait presque aucun patrimoine, en-dehors de Dish. Elle n’avait rien à offrir à un escroc.

Alors, c’était pour Dish. Peut-être qu’il cherchait à obtenir des informations sur nos projets confidentiels ? à l’influencer pour recruter un espion industriel ? à s’en servir comme levier pour me prendre mon entreprise ? ou tout simplement, quelqu’un avait fini par apprendre mes sentiments et voulait me faire du mal à travers elle ?

Marcus enlaçait à présent Emma, la pressant contre lui dans l’attitude possessive d’un petit ami du XX^e siècle. Je l’aurais bien giflé, mais elle n’aurait pas compris. Elle n’aurait pas compris que je m’insurge contre cet imbécile qui croyait qu’une femme était comme un petit oiseau qu’on pouvait mettre en cage. Emma n’y aurait vu que de la jalousie, comme plus tôt dans la journée.

Peut-être qu’il y avait effectivement une part de jalousie dans mon comportement, et ça ne me ressemblait pas. Je l’aimais, je voulais ce qu’il y avait de mieux pour elle. Le meilleur homme, le plus gentil, le plus drôle, le plus intelligent, le plus attentionné, un homme qui se soucierait d’elle et de son bonheur. Pas moi : je faisais tout l’inverse depuis des mois.

Je posai à nouveau les jumelles en le voyant prendre le visage d’Emma entre ses mains pour l’embrasser. C’en était trop. Je ne supporterais pas de voir ça. Je ne pouvais pas discuter les choix d’Emma, mais je n’étais pas obligé de les approuver. Ce type était louche. Il y avait quelque chose de faux dans sa façon d’être. Il était élégant, certes, mais il y avait quelque chose de joué dans son style, dans sa démarche…

Je restai un long moment dans le noir. Quelles que soient les intentions de ce type, il avait réussi.