Hortense Merisier

Blog d'écriture quotidienne

#195 La non-croyance


L’écriture est quelque chose de très difficile lorsqu’il s’agit de ne pas contaminer un texte avec des croyances. Nous avons tous, à des degrés divers, des croyances, qu’elles soient religieuses, culturelles, sociales, économiques, relationnelles, etc.

D’un point de vue strictement psychologique, c’est assez réconfortant, et c’est pour ça qu’il y a de nombreuses personnes qui croient. Moi-même, j’ai envisagé l’existence de puissances surnaturelles et brièvement cru que certains mouvements politiques étaient la solution aux problèmes de notre monde. Mais aujourd’hui, je ne crois plus (ou du moins j’essaie de faire attention à ne pas confondre mes croyances et la vérité).

Comme être humain, je suis trop blasée pour croire ; comme écrivaine, ça me facilite un peu la vie. Lorsqu’on s’intéresse à la marche du monde comme un écrivain le fait, c’est-à-dire en ayant une vision globale et en pointant vers de nombreux détails, on se rend vite compte que le monde est trop complexe pour avoir des explications simplistes.

Car oui, le monde est complexe. Lorsqu’on peut tout expliquer en un seul théorème, c’est généralement du fake. Rien qu’en écrivant ça, je vais me mettre à dos la majorité d’entre vous. Ceux qui croient que Dieu va les sauver, que le grand remplacement est un danger pour la société ou que la grève fera céder le gouvernement sur le sujet des retraites. En réalité, il n’y a aucune preuve de l’existence de Dieu – il n’y a aucune preuve de son inexistence, mais il n’y a pas non plus de preuve de son existence – ; le grand remplacement a été inventé sur la base de chiffres truqués et inventés ; quant à la grève, bah ma foi, voyez par vous-même.

En résumé, je crois le moins possible. Ça ne veut pas dire que les croyances ne m’intéressent pas. Au contraire. Toutes les croyances m’intéressent. Je les prends avec des pincettes, puisque ce sont des croyances, mais j’essaie toujours de comprendre leur logique interne et leur objectif.

Par exemple, les croyances politiques partent de constats simplistes sur la société (les riches mangent sur le dos des pauvres, les pauvres sont paresseux) et donc, proposent des solutions simplistes (taxons les riches, baissons les aides des pauvres). Le but est, pour les croyants, l’espoir d’une vie meilleure (l’argent des riches arrivera dans la poche des pauvres, l’argent de ceux qui travaillent restera à ceux qui travaillent) ; pour les politiciens, le but est le pouvoir (pour ceux qui croient qu’ils font ça par altruisme, j’admire votre candeur).

Alors oui, mon analyse du discours de gauche et de droite est aussi simpliste que mon résumé des solutions proposées et des motivations des uns et des autres. Donc en gros, c’est pas mieux que d’y croire.

Mais cette simplification est nécessaire parce que j’écris. J’écris, donc je construis des univers fictionnels et aussi des personnes fictionnelles. J’ai même l’ambition que mes personnes fictionnelles aient la même complexité que des personnes réelles. Et en pratique, cette complexité passe par la motivation et les croyances du personnage. Ensuite je construis le vécu qui explique tout ça, et le vécu va générer une personnalité complexe.

Par exemple, Camille-Mika est motivée par la croyance qu’être un tueur à gages est dans l’intérêt général. Evidemment, c’est une croyance fausse : tuer des gens, ça n’aide personne. Mais elle en a besoin pour supporter d’avoir tué son père (vécu), ce qui est en contradiction avec son intelligence et son altruisme naturels (reste de la personnalité). Puis, les morts s’enchaînant, ce besoin a été renforcé et à présent, elle est persuadée qu’elle rend service.

C’est ça qu’on appelle une croyance. Un personnage, comme une personne, peut croire que la grève fera plier le gouvernement sur les retraites, que le réchauffement climatique n’est pas si grave, que l’homéopathie fonctionne (autrement que par l’effet placebo) ou qu’avoir un enfant est le bonheur ultime. Pourquoi pas après tout, tant qu’on est bien conscient que ce ne sont que des croyances.

Que ça relève de la croyance et non de la vérité n’empêche pas d’y croire, bien au contraire : vous pouvez croire à l’existence et à la protection de Dieu ; mais ça n’empêche pas de croire le contraire, à savoir que Dieu c’est de la foutaise.

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