Hortense Merisier

Ecriture quotidienne, textes et courtes nouvelles

#532 Le mot


Quel mot vous décrit le moins ?

Femme de profil dans la pénombre

Il ne s’agissait que d’un mot. Un mot qui m’avait collé à la peau pendant des années et des années, et à la fin j’avais compris que le sens que les autres lui donnaient différait du mien. Pour moi, le mot n’était que descriptif ; pour eux, il était surtout prescriptif. Pour moi, il n’était qu’un aspect de ma personne ; pour eux, ce mot était un ordre.

D’un mot qui s’appliquait à tant de monde, ils déduisaient qui j’étais et ce que je voulais en tant que personne, ce qu’avait été mon passé et ce que devait être mon avenir. Ce mot gommait mes rêves, mes espoirs, mes désirs et ma colère. Il gommait mon individualité. Je voulais y échapper, mais de tous les mots qui existaient, je ne pouvais me raccrocher à rien.

Etait-ce qu’au fond, je n’étais personne, puisque je ne pouvais pas simplement être moi ? J’avais refusé toutes les étiquettes liées à ce mot, répété tant de fois « non, ça c’est pas pour moi, ça me ressemble pas » que j’en avais le palais asséché. Et pourtant, dans leurs yeux, dans leurs mots, dans chacun de leurs gestes et de leurs sourires, je lisais encore cette logique infâme, cette conclusion absurde.

Je n’étais pas la personne qu’ils attendaient. Quels que soient mes efforts, je ne pourrais jamais être à la hauteur de leurs attentes, et en même temps, j’étais beaucoup plus que cela, j’étais en-dehors de cela. J’étais moi. Un moi qui disparaissait dans leurs regards objectivants, dans leurs mots méprisants, dans leurs gestes infantilisants et dans leurs sourires narquois. J’étais moi, et je ne l’étais pas.

Pour me soustraire à tout cela, je ne pouvais que me soustraire à ce mot qui, au fond, ne me dérangeait pas. Je n’étais pas autre, et ce mot n’était qu’un mot. Je ne voulais pas changer pour un simple mot, quel que soit le pouvoir qu’il avait dans leur langage, ou les murs qu’il dressait autour de moi. Un mot, un seul, une prison, une arme.

Oui, je suis née « femme », mais ne suis-je donc rien de plus ?

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