Je vous ai déjà dit que je n’aime pas les missions d’escorte, pas vrai ? Croyez-moi, il y a pire. Il y a les bleus. Pour la plupart, je suis une sorte de légende, un dragon, et ils se jetteraient d’un pont si je leur en faisais la suggestion. Ceux-là sont pénibles, toujours à quémander mon attention, mes consignes, à ne même pas oser respirer sans que je les y autorise.

« Mais putain, hurlé-je, qu’est-ce que tu fous ? »

Et il y a les autres. Ceux qui ont avalé le manuel, qui ont validé toutes les épreuves théoriques, et qui pensent que le voyage dans le temps sera une promenade de santé. Félix est comme ça. Félix, son poignard, le mec en train de se vider de son sang à ses pieds. Félix, son poignard, le mec en train de se vider de son sang à ses pieds. Mort, sans doute, ou presque, si j’ai de la chance.

Là, je n’ai que trois options. Première option : flinguer Félix, mais ça ne ressuscitera pas le mec. Deuxième option : ramener le mec dans mon présent pour le faire soigner s’il y a encore quelque chose à soigner et le ramener dans son présent, mais le voyage le tuera. Troisième option : rentrer en catastrophe en espérant que ni lui ni sa descendance n’ont eu d’importance.

« On rentre. Tout de suite ! »

Blafard devant ma colère, Félix enfile sa combinaison. J’ai les mains qui tremblent quand je remets mon casque. Tout va bien se passer. Il y a eu des millions de personnes, des milliers, des dizaines de milliers de petits bourgeois comme ce mec, il n’y a aucune chance qu’il ait eu de l’importance. Aucune chance. Tout va bien se passer. Félix essuie sa lame sur la veste du mec, la range dans son sac, enclenche le voyage. Je le suis de près.