Je sais ce que vous pensez. Vous pensez que, parce que je tue des gens pour de l’argent, je suis un monstre. Parfois, moi aussi je le pense. Au début surtout, je me promettais, à chaque fois, que ce serait la dernière. Et à chaque fois, je recommençais.
Je me suis trouvé beaucoup d’excuses. Je me suis dit que je faisais ça pour ma mère, pour qu’elle ne manque de rien, pour lui offrir de belles croisières au soleil et des thalassos qui la feraient sortir de sa dépression. C’est aussi moi qui prends en charge ses séances de psy, moi encore qui fais venir la femme de ménage pour qu’elle ne vive pas dans un taudis, moi toujours qui règle les factures des menues ou grandes réparations de la maison où j’ai grandi.
Je me suis dit que je le faisais parce que mes clients sont des abrutis capables de mettre mes contrats dans un fauteuil roulant ou dans un lit d’hôpital, à souffrir pendant des années, au lieu de finir proprement le travail. Je me suis dit que je leur rendais service, et qu’aussi longtemps que des gens comme eux existeraient, les gens comme moi survivraient.
Je me suis demandé si j’y prenais du plaisir, et pas vraiment en fait. Ça m’est assez indifférent. Je prends du plaisir à lire, à dîner avec Damien, à regarder un film avec lui. Tuer, non. C’est juste une interminable liste de choses à vérifier pour être sûre que les vivants la bouclent, que les accidentés le restent et que les homicidés n’amènent pas les poulets jusqu’à moi. C’est fastidieux.
Je suis peut-être un monstre, et c’est sûr que si la police m’arrête, les journaux se délecteront des détails sordides de ma vie. J’aurai sans doute le temps d’écrire mon histoire, en prison. Ce ne sera sûrement pas aussi rentable, mais ça satisfera la fascination des foules pour le glauque et l’atroce. Vous aussi, vous lirez mon autobiographie, parce que vous aussi, vous avez cette part sombre qu’il faut nourrir.
La seule différence entre vous et moi, c’est que moi, je l’assume.
Votre commentaire